Le domaine royal de l’Hôtel Saint Pol

En ces temps troublés, au XIVe siècle, la guerre fait rage en France, le roi Jean le Bon est prisonnier à Londres ; Paris, sous la direction d’Étienne Marcel, gronde contre le pouvoir royal assumé par le dauphin Charles âgé de 20 ans ; une émeute aboutit même dans la chambre à coucher du dauphin au Palais de la Cité : ses conseillers sont égorgés sous ses yeux. Le roi Charles V n’oubliera pas cette scène et décidera de construire sa résidence en un lieu plus à l’écart, plus aisé à défendre et à fuir. Il choisit ce périmètre limité par le quai des Célestins, la rue Saint-Paul, la rue Saint-Antoine et la rue du Petit-Musc, excluant l’église Saint-Paul, son cimetière et ses dépendances.
Charles V selon son gisant à Saint-Denis

Par acquisitions successives des propriétés préexistantes et leurs transformations il construit un palais qui fait l’objet de l’admiration de ses contemporains [Bou80]. C’est ainsi que le logis du Roi de l’Hôtel royal Saint-Pol, s’ouvrait vers la Seine et s’étendait jusqu’à l’actuelle rue des Lions Saint Paul. Demeure habituelle de Charles V (né en 1338, roi de France de 1364 à 1380), lieu où se tenaient ses conseils, il fut intégré au domaine royal. Le roi en parle en ces termes : « Considérant que notre hostel de Paris, appelé l’hostel de Saint-Pol, lequel nous avons acheté et fait édifier de nos propres deniers, est l’hostel solennel des grands esbattements, et auquel nous avons eu plusieurs plaisirs, acquis et recouvré, à l’aide de Dieu, santé de plusieurs grandes maladies que nous avons eues et souffertes de nostre temps ; par lesquelles choses et autres qui à ce que nous ont esmus, avons audit hostel, amour plaisance et singulière affection. »

En grisé emplacement de l’Hôtel Saint-Pol dans le quartier d’après [Hil63]. Le logis du Roi (en rouge) avait son entrée principale par la porte, dite de Seine, qui donnait vers le fleuve. L’enceinte de la ville, édifiée par Charles V délimitait un espace assez vaste. Le logis de la Reine (en jaune) et celui du Dauphin (en bleu) se trouvaient au nord de notre actuelle rue des Lions St Paul. On trouvait des jardins le long de la rue du Petit-Musc.

Partant de la tour Barbeau, où la muraille de Philippe Auguste aboutit à la Seine, le roi Charles V fit construire une nouvelle enceinte, englobant son palais et dont la Bastille achèvera la protection. Un petit vestige en a été dégagé dans le square Teilhard-de-Chardin.

Reconstitution de l’hôtel Saint-Pol par Huyot au XIXe siècle. On y reconnaît la Bastille au fond, l’église Saint-Paul à gauche et la façade du couvent des Célestins à droite, surlignés en bleu. Au premier plan, la muraille de Charles V avec la tour Barbeau et une porte donnant vers la rue du Petit-Musc. La flèche rouge indique l’emplacement du pâté de maison qui nous intéresse.

Cette demeure, bien que royale ne ressemblait pas aux palais dont on a l’image : elle était formée de plusieurs corps de bâtiments hétéroclites reliés par des passages entourant des cours, des pièces d’eau avec des saumons, une ménagerie avec une dizaine de lions et des jardins plantés entre autres de cerisiers. Démembrée morceaux par morceaux, il n’en reste rien et les seules gravures qui représentent l’Hôtel Saint-Pol sont celles de l’entrée de la reine Isabeau et celle de l’enterrement de Charles VI. Une reconstitution historique à partir des descriptions au XIXe siècle rend compte de son importance.

Références

[Bou80] Fernand Bournon, L’hôtel royal de Saint-Pol, thèse à l’école des Chartres, 1880, à la BHVP Cote 16978 in 8°

[Hil63] Jacques Hillairet et son Dictionnaire historique des rues de Paris, aux Éditions de Minuit reste bien sûr une référence incontournable, permettant d’appréhender rapidement l’essentiel de l’histoire d’un lieu précis, mais on apprend, au fil des recherches, à se méfier des petites inexactitudes.