Délabrement

Ce cliché de Robert Paul [RMN21] date de 1892. Il montre le portail et derrière l’aile droite de l’hôtel Raoul.
Les terrasses sont ornées de statues et bordées de colonnades. Son état est encore majestueux.

Les habitants de l’immeuble nous sont connus grâce aux recensements de populations, aux listes électorales, aux annuaires du téléphone. Entre 1926 et 1946, le nombre total d’habitants de l’immeuble s’accroît de 47 à 58 personnes, tandis que le nombre de familles passe de 18 à 21. Plus de la moitié de ces 18 des familles demeurant au 6, rue Beautreillis, en 1926 se retrouvent tout au long de ses vingt années pourtant mouvementées, dont le couple de concierge, les Cottel. La mixité sociale est encore bien présente avec des artistes (sculpteur, musiciens), des intellectuels, plusieurs administrateurs ou entrepreneurs, mais aussi des électriciens, des couturières, des bijoutiers, des employées et un gardien de la paix. Pourtant une profession disparaît dans ces vingt années : les bonnes ; si elles étaient quatre présentent dans trois familles en 1926, il n’y a en plus aucune à vivre dans l’immeuble en 1946. Deux familles étrangères : les Kaltenmark originaires de Tchécoslovaquie dont l’époux est journaliste, l’épouse égyptologue et le fils Maxime deviendra un spécialiste des philosophies chinoises, et les Molinari, bijoutiers, qui viennent d’Italie.

Marcel Bovis prend cette photo en 1942 et saisit le bassin, orné d’une statue de femme qui décorait le jardin coté Petit-Musc et qui semble assez bien entretenu L’Allégorie de la Source, puisque c’est son nom, est une œuvre de Jean-François Étienne Gossin (1799-1867) créée en 1837. Lors de la démolition de l’hôtel Raoul, une collectionneuse passionnée du patrimoine du vieux Paris, Roxane Debuisson, sauva cette statue.

Tout en restant la propriété des héritiers de Jean-Louis Raoul, les outrages temps faisant leurs œuvres, notre bel hôtel devient ce qui est décrit en 1959 en ces termes : « des bâtiments vétustes comportant 23 logements au sujet desquels a été pris le 14 septembre 1953 un Arrêté Préfectoral établi en application de la loi du 1er septembre 1948 et autorisant conditionnellement la démolition. »

Vue de la cour de l’Hôtel Raoul peu de temps avant sa destruction. À droite du cliché l’arrière du portail, la voute permet de communiquer avec la basse-cour. L’aile côté Beautreillis est surmontée de la terrasse à balustrade ornée d’un angelot en son coin. [Phi21]

Les photos prises en 1959-1960 et conservées aux archives de Paris dans le dossier pour le permis de construire montrent l’aspect de l’hôtel Raoul côté rue Beautreillis peu de temps avant sa démolition ; au-dessus d’un long et haut mur aveugle (incluant totalement le portail) apparaissent les façades d’un haut immeuble (4 étages) sans grâce, et ayant apparemment une disposition analogue à celle de l’hôtel Raoul. On est si loin de la gravure reproduite ci-dessus que l’on peut s’interroger sur les transformations entre ces deux vues prises du même point. Sur une autre photographie, on s’aperçoit que l’ancien bâtiment comportait aussi une aile s’appuyant sur l’immeuble XVIIe au 4 rue Beautreillis.

Le fameux portail de l’hôtel Raoul vers 1960 inclus dans le mur fermant la cour d’entrée.
Une image à comparer avec la gravure du XIXè pour y déceler les ajouts.

Référence

[PHi21] Photo de D. Julliard conservées à la photothèque de Paris Historique. Cette photothèque renferme une importante collection de clichés pris au début des années 1960 documentant ainsi l’état du Marais avant les importantes mutations. Pour l’Hôtel Raoul de nombreux clichés ont été pris pendant sa démolition.

[RMN21] Cliché Robert Paul conservé à l’agence photo de la R.M.N. réf. MH0004527